Baisse de désir dans le couple : comment parler de sexualité ?
Mélissande BÉROARD
La baisse de désir ou la perte totale de libido dans un couple est affaire courante. Elle peut concerner les deux partenaires, auquel cas les plaintes sont plus rares. Mais elle concerne souvent l’un des partenaires qui peut culpabiliser ou se sentir sous pression.
Avant de commencer, veuillez prendre cet article comme de simples pistes. Je ne vous dirai pas ce qu’il faut faire. Ce serait inadapté, inapproprié, voir inutile. Aucun article, aucun conseil ne pourra remplacer une sexothérapie ou une thérapie de couple lorsque le problème persiste dans la durée.
I – Sexualité : le tabou du plaisir ou du non-plaisir face aux injonctions sociétales
Sujet tabou, y compris dans les couples longue durée qui pensent s’être tout dit, y compris pour une partie de thérapeutes de couple ou de conseillers conjugaux…
J’estime, pour ma part, que nous devrions pouvoir en parler comme de n’importe quel vécu de notre vie relationnelle.
Pourquoi est-ce tabou ? Rappelez-vous : la sexualité dans le couple, hors visée strictement procréative, est relativement récente dans l’Histoire !
Jusqu’au XIXe siècle, sexualité hédoniste était davantage réservée aux relations avec la prostituée, la maîtresse ou l’amant et le « domaine des perversions » était extrêmement large avec des pratiques aujourd’hui répandues (sexe oral, pénétration anale…).
Pourtant, la sexualité fait habituellement partie du couple (mais pas obligatoirement).
Le point de départ d’un besoin d’accompagnement : la situation vous cause une souffrance ou en cause aux autres. Pas de souffrance = pas de problème.
D’ailleurs, au sens large, la sexualité inclut la sensualité, l’érotisme et tout ce qui procure du plaisir par la stimulation de nos sens. Autant le dire : ne cédez pas à l’injonction à la pénétration (et même au sexe) si vous n’en avez pas envie. Et comme le disent si bien les libertin.e.s : « Tout est possible, rien n’est obligatoire ! ».
Injonctions, stéréotypes, clichés (ou croyances limitantes dans le jargon) … Ils pèsent à la fois sur la sexualité de chacun.e, mais aussi dans nos relations car ils créent une pression, notamment en matière de performance. Ils freinent nos envies, mais aussi la communication de nos envies.
Et tout cela, malgré la diffusion de nombreux articles et de contenus en ligne. Ce sujet sera traité plus en profondeur dans un article ultérieur car il est très important.
En couple, voici les principales croyances qui peuvent avoir un effet négatif sur votre sexualité :
Idée-reçue n° 1 : « Quand on aime, on a toujours du désir » ❌
FAUX : Vous avez certainement des exemples en tête de couples qui s’aiment profondément, qui n’ont plus trop de sexualité. Ils investissement souvent d’autres activités et projets ensemble, ce qui favorise leur connexion. Le désir est d’ailleurs très impacté par plein de causes extérieures et intérieures au couple.
Idée-reçue n°2 : « Les hommes ont toujours du désir, ils sont toujours prêts ou en auraient besoin » ❌
FAUX : il arrive d’ailleurs que les hommes rencontrent des difficultés pour désirer leur femme pendant ou après la grossesse (le fameux cliché « la mère et la putain »). Mais d’autres raisons peuvent entraîner une baisse de désir : stress, anxiété, mauvaise estime de soi, chômage, deuil, maladie, … Ce n’est pas parce qu’un homme n’a pas de désir qu’il va voir ailleurs ou qu’il ne vous aime pas.
Idée-reçue n°3 : « Une femme a moins de désir »❌
FAUX : Un article se prépare sur le désir des femmes, qui est encore inhibé du fait qu’elle est systématiquement jugée sur son manque ou son excès de désir. Trop désirante : elle est méprisée ; peu désirante : elle serait frigide.
EXPLICATION : une personne peut sembler avoir peu de désir spontané (sans stimulation externe, libido…). On parle souvent du faible désir spontané des femmes, mais je suis persuadée qu’il ne s’agit que d’un facteur culturel qui inhibe l’expression du désir des femmes. Cela n’empêche pas d’avoir un désir réactif, en réponse aux stimulis extérieurs, aux approches du/de la partenaire.
Idée reçue n° 4 : « La fréquence des rapports sexuels comme indicateur de la santé d’un couple ». Et donc il faudrait se forcer pour que l’autre n’aille pas voir ailleurs ou par peur d’être quitté.e… ❌
Avoir envie, au même moment, n’est pas toujours aisé. La sexualité n’est pas une preuve d’amour, c’est une démonstration d’amour. Et des démonstrations, il y en a plein d’autres…
Plus vous vous forcez, moins vous en aurez envie, plus vous vous sentirez mal et ne ressentirez plus de plaisir.
POINT DE VIGILANCE : Sachez toutefois, que l’insistance auprès de sa ou son partenaire est contreproductive et peut créer un dégoût de la sexualité. Et il peut être durable ! C’est le meilleur moyen d’engager le cercle vicieux de l’évitement…
A ce titre, je vous invite à lire le livre du sociologue Jean-Claude Kaufmann, Pas envie ce soir1, qui rassemble des témoignages de femmes qui se forcent. Leur dégoût et leur mal-être sont très contagieux. Dans certains cas, un véritable traumatisme s’installe. Nul besoin de le rappeler, je l’espère : forcer son partenaire constitue un viol conjugal.
Par contre, on peut adapter son approche (plus subtile que le paon) et la manière de faire savoir qu’on en a enviesans sauter sur son/sa partenaire dès qu’il/elle passe devant vous (si cela dérange).
Vous vous sentez rejeté en permanence ? La manière de refuser se travaille également.
II – S’approcher avec envie…
Voici des exemples de questions que l’on peut se poser.
Pourquoi je veux du sexe ? : stress, anxiété, ennui, injonction sociétale, envie de proximité physique, de connexion, domination… Pour du sexe sans connexion : vous avez votre main, vos sextoys, poupée gonflable… (votre partenaire mérite mieux, il ou elle n’est pas un réceptacle à émotions non gérées).
Quels sont les freins à mon désir ? Certains mots, insistance, odeurs, ennui, expériences sexuelles désagréables…
Quels sont les accélérateurs de mon désir ? Ambiance, messages échangés/effleurements dans la journée, sortir, voir la personne dans son élément…
Comment instaurer des moments de qualité (sexuels ou non) ? Que reste-t-il aujourd’hui du « nous » ? ;
Quelle est la « bonne distance » qui permet de vous rapprocher ? Laissez la place au désir de votre partenaire, pour ne pas étouffer son expression.
Qu’est-ce qui pourrait rendre le contexte favorable? Ex : espace mental, conflits, gestion du quotidien, présence d’enfants, temps de qualité autre que sexuel, contraception, ce que vous faisiez au départ que vous ne faites plus…
Comment aimeriez-vous être approché.e ?
L’approche par la séduction peut être plus ou moins longue selon les goûts. Bref, faites ce que vous voulez tant que votre partenaire apprécie !
Mais pour savoir comment s’approcher, il faut d’abord communiquer !
III – Communiquer positivement en couple en matière de sexualité
J’illustrerai mes propos par des exemples simples. Soyez créatifs !
Parler en « Je » : « je ne me sens pas bien quand j’ai l’impression de devoir te faire plaisir… », « je me sens fatiguée à 23h quand tu commences à me caresser, je préfère un câlin à cette heure-ci… », « j’aime quand tu prends le temps de m’embrasser… », « j’aimerais… » ;
Accuser réception de ce que l’Autre dit : « je comprends que tu es fatigué.e, que tu n’es pas disponible mentalement et que n’as pas envie de… », « j’entends que tu as envie de…, que tu te sens frustré.e… ». On part des émotions (tristesse, frustration, etc.) et on s’interroge sur le besoin qu’elles expriment : proximité, se sentir aimé, se sentir respecté, se sentir exister, être regardé.e, repos, soutien, etc. Vous parviendrez mieux à vous mettre à la place de l’Autre et donc à le considérer.
Répéter avec ses propres mots ce que l’Autre vient de dire : vous remarquerez le nombre de malentendus…
Ne pas infantiliser, on ne sait pas pour l’Autre. Peu recommandable : « tu n’as pas de désir parce que…, « oh, mon petit chéri, ce n’est pas grave si tu n’as pas d’érection »… ❌
Se concentrer sur le positif, plutôt que sur le négatif : « j’ai aimé ce quand tu as fait ci… » plutôt que « je n’aime pas quand tu me fais ceci ».
Qu’est-ce qui fonctionnait bien avant ?
Communiquer sur ce qui suscite votre désir ? (accélérateurs vs. frein).
Décider ensemble du meilleur moment pour parler de sexualité.
Décider ensemble des moyens pour indiquer sa disponibilité sexuelle : mot-clé, objet…
Décliner la proposition sexuelle sans mépris et accepter un refus sans faire payer les conséquences à votre partenaire (colère, menaces, distance…).
IV – Concilier consentement et spontanéité ou sensualité
LEConsentement : Et oui. Je vois certain.e.s rouler des yeux, mais le consentement est SEXY.
Évidemment, rien à avoir avec un contrat par écrit ou oral parce qu’il serait compliqué de prévoir tout ce que l’on veut et tout ce que l’on ne veut pas : les fameuses « zones grises ». L’imagination humaine est illimitée.
Ce n’est pas parce qu’on dit « oui », qu’on dit « oui, à tout » ou « oui, tout le temps ».
Ex : ce n’est pas parce qu’elle semble accepter une relation sexuelle avec vous que vous pouvez tout lui faire. Vous n’aimeriez pas qu’on vous sodomise avec un gode-ceinture si ce n’est pas votre truc !
Ex : ce n’est pas parce ce que vous êtes mariés que vous pouvez faire ce que vous voulez de l’Autre.
Plusieurs niveaux de communication (après avoir créé le bon contexte, appuyé sur les accélérateurs et desserré les freins que vous avez préalablement repérés) :
Le verbal plus ou moins direct : « oui », « je veux bien », « j’en meurs d’envie », « j’en ai envie que tu me fasses… », « j’ai envie de te faire… » (on regarde la réaction), « ça te plaît si… », « je peux… » (pas besoin de terminer la phrase, votre regard coquin peut suggérer la suite).
Prêtez une attention particulière à l’intonation, elle peut être très sexy.
Les regards, les gestes…
Pendant l’acte, montrer ce que l’on veut par des gestes (prendre sa main et la poser où on le souhaite, ou l’utiliser, indiquer ou gérer le mouvement/rythme que l’on apprécie). D’ailleurs, Messieurs, votre éjaculation ne ponctue pas forcément la fin du rapport sexuel. Vous pouvez encore faire plaisir à votre partenaire d’autres manières…
V – La sexualité comme une aventure exploratoire : seul et à deux (ou à plusieurs)
La sexualité peut être très riche et diverse. Elle va plus loin que l’apprentissage hérité ou acquis qui est à la fois individuel et social.
Les envies peuvent évoluer dans les différentes étapes de notre vie, dans l’année, dans le mois, dans la journée, dans l’heure… Le désir peut ne pas être présent quand l’approche commence, mais se réveiller ensuite (désir réactif). Si ce n’est pas le cas, ou que votre partenaire ne ressent pas de plaisir : n’insistez pas ! Personne n’a envie de recommencer les expériences désagréables. Encore une fois, c’est CONTRE-PRODUCTIF !
Et si la sexualité devient ennuyante, désagréable ou totalement absente (et que cela vous gêne), je vous invite à vous questionner : « Quelles sont les normes ou choses que je suis en train de m’imposer et qui ne me conviennent plus ? ». Où à venir consulter.
L’exploration individuelle est importante :
Pour la personne qui a moins de désir : se reconnecter à son corps, s’autoriser à ressentir du plaisir. La sexualité, c’est d’abord pour soi. C’est une quête personnelle de bien-être physique, émotionnel, mental et social au sens de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS).
Pour la personne qui a du désir et qui est frustrée :
Que vient dire cette frustration ? Un stress, une anxiété difficile à gérer ? Un besoin de proximité ? Un besoin d’attention ? Votre frustration est-elle uniquement sexuelle ? Est-ce à votre partenaire de porter tout le poids de votre frustration ?
Que pouvez- vous faire pour que votre partenaire se sente mieux, sans visée ou intention sexuelle ?
Interrogez votre érotisme, reconnectez-vous avec votre corps pour le plaisir (avec ou sans pensées sexuelles). Tout plaisir sensoriel est un chemin vers le désir : appréciez votre respiration quand vous courez ou soulevez des poids, le souffle du vent sur vos bras ou vos cheveux, l’odeur d’un parfum, l’eau qui ruisselle sur votre corps, vos draps à nu… Ou une séance de sophrologie, de médiation ou de pleine conscience. Tout ce qui vous procure du plaisir sensoriel dans une journée.
« C’est toujours compliqué de parler de sexualité avec mon partenaire sans qu’on se dispute ».
Et oui, chaque relation est unique et les « recettes » ne donnent pas le même plat selon le chef !
La situation de votre couple est enkystée et ces indications sont compliquées à mettre en place ? Si c’est le cas, je vous invite à prendre rendez-vous avec un.e sexologue ou sexothérapeute pour avancer sereinement.
Si l’ambiance est très conflictuelle dans l’ensemble, un.e conseillère conjugale et familiale ou thérapeute de couple sera plus indiqué.e.
-> Et vous, comment parlez-vous de sexualité en couple ou avec votre partenaire ? Quelles sont vos approches préférées ? Comment préservez-vous le désir ? Laissez-moi un commentaire ou bien…